Le mot héros nous vient du grec et il désigne les « demis dieux ». Son étymologie latine distingue, quant à elle, des hommes et des femmes de grandes valeurs. Il semble pour une majorité, que nous ayons gardé ce sens dans nos sociétés actuelles. Nous ne parlons plus des héros de la mythologie comme Percé, fils de Zeus et de ce fait demi-dieu seul capable de vaincre la terrible « Méduse » dont le regard figera l’invincible craken…
Nos héros actuels sont ceux qui, dans certaines situations, font preuve de courage et de valeur. Jean Moulin en est sans nul doute, un bel exemple. Ne faut-il pas être héroïque pour garder le silence face à des tortionnaires allemands qui n’espèrent rien d’autre que de vous voir parler pour dénoncer ou mourir. L’homme ou la femme qui risquerait sa vie pour sauver celle d’un autre serait héroïque. Ainsi, les quotidiens et les médias évoquaient il y a peu, l’héroïsme de Monsieur Mamoudou Gassama qui escaladait cinq étages de la façade d’un immeuble pour sauver un jeune enfant de 4 ans suspendu par mégarde.
Mais n’existe-t-il pas d’autres héros, d’autres formes du courage inconditionnel qu’il faut pour surmonter les obstacles qui sont comme autant d’épreuves dans la vie de chacun ? Carl Gustav Jung exprime l’importance des archétypes, quelles que soient leurs origines (biblique, historique…), et ils sont autant de héros pour nous permettre le fameux processus d’individuation. Ce processus selon lequel Young nous invite et nous incite à passer de l’ego vers ce qu’il nomme le « grand soi ». En étant contemplatif, attentif et actif, nous faisons évoluer notre conscience vers une forme de sur-conscience. Nous devons essayer autant que possible de capter le monde et notre existence pour les incarner pleinement. Il s’agit, je crois, d’une renaissance ou d’une seconde naissance. Une ouverture au monde qui ouvre le voile sur soi-même et qui permet d’apprécier la synergie entre la matière et l’esprit. J’ose ici faire le parallèle avec les préceptes religieux que Jésus enseignait en métaphore : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu. » (Jean 3 : 3)
Être le héros de sa propre vie est-il envisageable ? Élever sa vie, élever son esprit, s’instruire et étudier seul et auprès des autres ne fait pas de nous des héros. Cela serait trop facile semble-t-il et nos prédispositions à l’orgueil combleraient le monde faux héros prétentieux. Le héros intervient non sans humilité. Au contraire, il s’efface laissant la place à son courage et son altruisme profond. Parce que c’est en regardant l’autre et en le respectant que nous devenons moins narcissiques et que nous ouvrons en plus des yeux, notre cœur. Et c’est peut-être un premier pas vers l’héroïsme que de moins se regarder dans le reflet d’une eau troublée par l’égoïsme.
Je vais sans doute fâcher certains lecteurs m’ayant reproché de ramener beaucoup de sujets à la mystique profonde mais je le fais quand même parce que ma foi outrepasse la honte de la naïveté. Si Dieu existe vraiment, serait-il le héros éternel et incontestable de l’univers ? Selon les textes sacrés, Le Seigneur est parfait et sa création est soumise au libre arbitre, ce qui signifie en d’autres termes, que Dieu a émancipé l’univers tout entier de sa haute dignité et de sa grande perfection. Non pas pour le dominer du haut de la mégalomanie. Mais pour que le monde jouisse d’une liberté profonde, que le Père lui-même ne régit pas. C’est sans doute l’une des marques célestes de sa générosité. Et alors j’entends déjà les objections. Pourquoi le mal, pourquoi la mort ? Pourquoi la souffrance dans le monde créée par un héros si parfait. Pourquoi serait il le grand Héros qui donne la vie mais la reprend en provoquant le deuil et la peine ? Pourquoi laisserait-il naître des héros, des cendres de la guerre comme Jean Moulin ? Ne serait-il pas plus héroïque de prévenir toutes batailles au nom de sa bonté divine ou de les éteindre de son souffle ? Le monde ne serait-il pas plus sain(t) sans les héros qui le sauvent d’un mal évident ? Parce que la présence de héros découle toujours de maux à résoudre. Jésus serait-il le héros qui guide l’esprit du monde depuis 2 000 ans pour le délivrer du péché ? Le héros qui accomplit des miracles en faisant face à la mort et à l’ombre du monde. Je ne crois pas qu’il se considérait comme tel et je ne crois pas qu’il y ait de plus grands héros que d’autres.
Je crois que nous sommes tous les personnages principaux et les héros de nos propres vies et cela dure environ 35 000 jours. Quelle que soit notre histoire, il faut l’inscrire dans le livre de la vie, de l’humanité et de l’univers (unis vers le UN) en écartant les regrets autant que possible. Il faut peut-être finir sa vie en étant l’humble héros d’un parcours initiatique réussi pour soi-même et ainsi sauver sa propre vie de la monotonie et de la stagnation contraire à l’esprit de l’âme qui ne cesse d’être en mouvement.
Michaël Levy-Bencheton