Vous sentez-vous à l’article de l’humour ? trace des déambulations truquées à toutes vapeurs et autres courants d’air simplifiés. De ses lignes imaginaires, la poétesse Anne de Commines crée des distorsions à fables. Parmi les différents matériaux du monde, les blagues insolites expriment leur nature volatile. En l’absence de cadre, prière d’insérer l’humour et autres petits précipités d’air comprimé ! Avec toutes mes cons sidérations ! est un drôle de texte sur la bêtise, à lire à voix haute. Un con s’essaie toujours en volume fermé. De la strate aux sphères, Anne de Commines visite ses équations de l’intérieur. L’intellect constamment en apnée, au Mur du Con toutes les lueurs résistent. Si vous en croisez un, dites-vous que vous l’avez déjà lu quelque part !
Extrait :
Ethno-morphologie du con
Le monde est cerné par les cons !
Vous ne trouvez pas ? ! ?
Je ne porte pas de jugement, je con-state !
Depuis 4 milliards d’années, la terre tourne en rond….
comme les cons, sans pause !
D’ailleurs, traiter son prochain de con est un diagnostic…
ce n’est pas moi qui l’ai dit (c’est F. Dard)
Tiens ! si on se penchait un peu sur le sujet
Le con est antique ! Prédiluvien !
Et je ne péjore jamais…
D’une architecture massive et peu fiable, il fut crée très tôt.
Ce qui explique l’aspect un peu primitif de son matériau
Il a des prédispositions indéfinies et des indispositions nombreuses
mais une sincérité que l’on pourrait presque subventionner
Avec Vous sentez-vous à l’article de l’humour ?, Anne de Commines nous fait plonger dans un monde où l’humour se donne comme miroir d’un savoir et d’une intelligence. Tous les deux quêtent le visage caché de la pensée et de sa lumière, sans limite d’aveuglement. Comme une greffe qui transforme chaque forme d’apparition du temps et de l’espace, chaque phrase nous mène au plus insaisissable chemin de l’intime. Nous sommes libérés une fois pour toutes de son visage autre, où l’ailleurs est science et peau du sensible en même temps. « Faire fondre le temps puis recueillir l’instant ».
Nous déambulons parmi des concepts en nuances éclatées et un jaillissement de sensations. Là, le principe de création se trouve confronté à sa propre chute et à la découverte de l’insondable vérité.Effacement parfois du mouvement des formes. Juste un immobilisme de la durée intouchable de la matière à penser, à réfléchir. Nous sommes au fond d’une écriture cristalline et sans ombres. « Comment dire le secret, polir la vérité qui me courtise, saisir le vertige qui me hisse ? » Vertige justement qui touche à son comble dans un processus humoristique où le délire des propos rejoint l’abîme d’une possible différence et interprétation du réel. Une ligne qui se couche sur la page et pliée de rire, regarde la transformation du lecteur en dé-lecteur libre de penser enfin. Nous sommes tenus en attente perpétuelle de la prochaine illumination d’écriture hypnotique.
On assiste à une sorte de décalage hypnotique du processus de la pensée et de son discours. Ils se posent comme réalités en fuite douées d’un terrain en accélération perpétuelle vers un concentré d’air enivrante. Nous avons là une autre possible manière de respirer la température de la démesure. Anne de Commines nous dit : « La langue se répète et manque parfois de lapsus. » Mais dans son écriture de l’humour on pourrait dire aussi que la langue se répète sans cesse dans l’incantation et l’enchaînement du lapsus du manque. Nous saluons cette action inépuisable de toutes formes de délivrance et de légèreté de la pensée. On navigue dans des mondes pataphysiques. Chaque principe et démonstration correspondent à une réalité de l’expérience existentielle et relationnelle de notre perception d’être. Ici est la preuve d’une évidence palpable si nous suivons ce « principe d’incertitude d’où naît l’amour, ou ce qu’il en reste. »
Ce même principe d’incertitude ou d’indétermination s’infiltre dans la deuxième partie du livre Avec toutes mes cons sidérations ! Il s’agit pour Anne de Commines de créer une danse vertigineuse d’analyse sur-indéterminée de notre société et de ses spécimens en prolifération incalculable. On plonge dans une sorte de miroir de l’incertitude en lisant à la limite d’un corps sidéré par son image. Nous inaugurons le possible retour de notre visage à l’intérieur des lignes coupantes de la connerie. Lignes de fuite à but non productif !
C’est un appel drôle et sarcastique à la vigilance parce que le danger est partout. Il s’étale de façon démesurée surtout dans les lieux les plus insoupçonnables et invisibles parfois à l’œil nu. Nous sommes confrontés à une déambulation entre la non intelligence et le non savoir, baignés d’une sincérité déconcertante et absorbante. Anne de Commines nous éclaire sur les différentes manières d’être con et surtout sur la multiplicité des cas qui peuvent investir notre quotidien. En interprétant l’être humain, avons-nous de l’espoir ?! Oui parce que disons-le en le/se lisant, on n’est jamais à l’abri d’une rencontre avec une pensée désincarnée. Dans un moment de distraction, on n’est jamais sûr de ne pas tomber, dans la spirale indolore de la connerie, même la plus savante dans son grand aveuglement.
Avec toutes mes cons sidérations ! est une sorte d’introspection. Nous remontons les flux envahissants de notre société, du contemporain dans son essence de surface. De manière invisible, nous obéissons à une sorte de manipulation des intelligences émotionnelles, une parole qui couvre le feu de chaque singularité. Ce texte est une description raffinée et riche de cynisme et bien évidemment d’humour savant. A sa lecture, nous savourons notre relation au monde d’aujourd’hui face aux angoisses et aux caresses métaphysiques qui pullulent. Nous distillons notre espace de vie et notre temps perdu à jamais dans les futilités déguisées en dialogues engagés sans lendemain.
« Ça va ?? vous suivez…/ Si ça va pas ouvrez la fenêtre ! / Vous flippez parce que vous êtes cons ou c’est la philosoflippe qui vous rend aussi spectral ?? »
Le con est un mur de l’opaque, qui résiste à toutes formes de transformations et étincelles de la vie. Mais peut-être existe-il un moyen ? Justement l’écriture d’Anne de Commines nous conduit à nous libérer de ce fléau dans notre monde. Il consisterait à faire décanter la connerie au plus haut degré de sa venue, au moment de son apparition, comme on fait décanter un bon vin. Mais cette fois-ci, l’auteure en faire sortir toutes ses vapeurs comme du pu et en révèle ses vibrations les plus cachées.
Après une lecture attentive de ce livre, une chose est sûre, on aura une vision de notre conscience plus large, et riche de reflets inimaginables… oui je sais, Anne de Commines nous dirait une « con-science » !
Davide Napoli