Derrière les états d’urgence dans lesquels notre pays s’installe plus ou moins régulièrement et les mesures liberticides entreprises à la suite des attentats de 2015, se cache un problème de fond : l’absence d’accompagnement éducatif chez les jeunes délinquants.
«L’errance juvénile et les violences urbaines», thème majeur du cinéma américain (de la fureur de vivre avec James Dean à Will Hunting en passant par Orange mécanique de Stanley Kubrick), ne fait pas qu’alimenter l’imaginaire
des cinéastes mais occupe aujourd’hui une place importante dans le débat politique français. En ce sens, réfléchir sur le droit à la sécurité suppose avant toute chose de comprendre l’évolution des comportements criminels et délictuels dans notre société en privilégiant un regard d’observateur averti à celui de simple spectateur. Le travail d’analyse nécessaire pour préparer les moyens de lutte contre la délinquance est difficile car il demande de bien faire la distinction entre le réel et l’irréel.
Un Jack l’éventreur à chaque coin de rue?
A trop regarder le petit écran, on pourrait aisément se persuader qu’un Jack l’éventreur ou qu’un Hannibal Lecter se cache à chaque coin de rue. En toute objectivité, il n’en est rien, mais il n’empêche qu’un sentiment d’insécurité
reste prégnant dans l’esprit des gens, sentiment renforcé par la diffusion massive des images médiatiques. Nombre de français se sentent en insécurité alors même qu’ils n’ont jamais été agressés. Le spectacle de la violence produit un climat de peur aussi inconscient soit-il. Et la réalité objective de la criminalité est nettement brouillée, ce qui nous empêche justement d’avoir un regard d’observateur averti. Mais si les médias inventent une violence excessive et massive, un état de guerre, nous devons tout de même avouer que la peur est bel et bien présente de manière concrète. La nouveauté dans notre société, c’est qu’elle doit faire face au phénomène criminel en tant que tel mais qu’elle est également contrainte de gérer un sentiment d’insécurité créé essentiellement par les effets médiatiques.
De fait, notre société ne peut pas se contenter de maintenir l’ordre mais doit avant tout réinstaurer le dialogue social, la proximité et l’accompagnement éducatif. On l’oublie trop souvent, l’éducation est un pilier fondamental de la tranquillité publique que les politiques publiques négligent depuis trop longtemps. Erreur fatale que nous payons aujourd’hui au regard des enfants perdus de la République qui s’enlisent dans la délinquance, la toxicomanie ou le djihadisme. Faire face au fanatisme religieux, c’est en rechercher les causes profondes et agir sur elles. Le gouvernement français agit minablement à la manière d’un médecin qui prescrirait un traitement sans diagnostic. Certains observateurs se sont penchés sur la question de la violence juvénile et ont repéré des causes récurrentes comme la dégradation de la fonction paternelle dans la société française, la disparition des rites de passage et évalué la pertinence de certaines solutions éducatives comme les pédagogies nouvelles (Montessori, Freinet, etc), l’apprentissage de la vie en groupe, le scoutisme, la promotion des arts martiaux japonais ou chinois dans un esprit différent des sports de combat, la psychologie analytique de Carl Gustav Jung, la lecture des philosophes de l’antiquité (Platon, Sénèque, Plotin), les rites initiatiques, la méditation zen, le yoga. Ces solutions éducatives n’existent pas au sein de l’école de la République qui demeure attachée à une vision positiviste et cartésienne de l’enseignement où la raison, la production, l’individualisme priment sur l’imagination, le ludique, le tribalisme.
Au lieu d’instaurer ces valeurs indispensables au bien-vivre ensemble et à l’épanouissement individuel, l’État français s’entête au tout sécuritaire, à installer des caméras de surveillance partout, à déployer les forces militaires, à transgresser les droits de l’homme puisqu’il s’est donné la possibilité d’ordonner des perquisitions, de jour comme de nuit, sans passer par une autorité judiciaire. En attendant, les enfants perdus de la République ne cesse de s’enliser dans le nihilisme, dans un chaos socioculturel, véritable vivier pour Daech. L’État ne transmet aucune valeur. Il se contente d’inciter la jeunesse à la paresse intellectuelle, au vide spirituel ou à la défonce toxicomaniaque. Les jeunes imbéciles qui ont choisi de s’identifier sous le nom de «génération bataclan» pour louer l’insouciance, la frivolité, les beuveries, le narcissisme, la vie pépère, les matches de foot face à la barbarie n’ont définitivement pas saisi l’urgence de notre temps: méditer sur la mort pour se libérer de ses chaînes, accepter sa part d’ombre pour donner plus de profondeur à son existence. La vie d’un homme implique des épreuves initiatiques qu’il faut affronter pour maîtriser ses peurs et ses démons intérieurs. Nier cet aspect essentiel de l’existence humaine revient à du suicide.