Il n’a pas inventé le Glam Rock et sa percée dans le domaine commence deux ans après le T. Rex de Marc Bolan. Il faut savoir que ce même David Bowie faisait, à ses débuts, la première partie de Tyrannosaurus Rex en exécutant un spectacle de mime, c’est tout dire. Vieux copain de Marc Bolan, il a suivi dans l’ombre son ascension et aurait pu n’être qu’un obscur participant, au regard de l’histoire de la musique, même pas un has-been mais quelqu’un qui n’a jamais été. Débuts discographiques sans grand succès, carrière discrète et en dents de scie, il aurait pu ne figurer que dans des encyclopédies du Rock en dix volumes. Seulement voilà : David Bowie a du talent à revendre et une vision inspirante. Du coup, non seulement il a supplanté Marc Bolan à partir de 1973 dans le cœur des adolescents mais, en plus, avec le recul et pour une personne mal informée, il semble presque avoir inventé le Glam Rock à lui tout seul. Beau retournement de situation.
Une remarque s’impose ici. On pourrait dire que le Glam Rock revêt deux couleurs radicalement différentes. La première, emportée avec brio par T. Rex puis consolidée par Slade et The Sweet, est fun, enjouée et positive. L’autre, menée avec emphase par David Bowie et Roxy Music, est sombre, intellectuelle et sulfureuse. Les premiers s’inspirent du Rock ‘n’ Roll américain des 50’s et des acquis du Rock anglais des 60’s. Les seconds sont les fils spirituels d’Andy Warhol, Lou Reed et Iggy Pop. On ne joue pas dans la même cour, on ne fait pas partie du même monde.
La première apparition publique de David Bowie (né David Robert Jones) date de 1964. Il défend sur la télé britannique le droit de porter les cheveux longs en tant que représentant d’une ligue de défense qu’il a créé. Il tente ensuite plusieurs fois de percer dans la musique, seul ou en groupe, sans succès. Les choses commencent à prendre forme avec son deuxième album en 1969, Space Oddity, où la chanson éponyme célèbre la vie dans l’espace, ce qui est très porteur en cette année de premiers pas sur la Lune par Neil Armstrong. L’album est produit par Tony Visconti, le producteur de Tyrannosaurus Rex et futur producteur de T. Rex. Les deux compères récidivent en 1970 avec l’album The Man Who Sold The World, où, encore une fois, la chanson éponyme obtient un certain succès. Il est à noter que pour cet album, David Bowie a commencé à réunir les musiciens qui deviendront les Spiders From Mars, son grand groupe des années Glam, dont Mick Ronson, grand guitariste, co-producteur efficace et arrangeur compétent. Mick Ronson aura également un rôle scénique crucial dans le futur.
Puis arrive en 1971 l’album qui va tout changer, Hunky Dory. Peu désireux de collaborer avec le nouveau manager de Bowie, Tony Defries, Tony Visconti a rendu son tablier et David Bowie et Mick Ronson se retrouvent à assumer la production. Ils relèvent le défi haut la main. De plus, c’est l’album où Bowie trouve à la fois sa voix, celle qu’on lui connaît, et sa voie dans les thèmes abordés et les choix musicaux.
Tout semble parfait à cette époque mais Tony Visconti avait très justement flairé le côté renard et magouilleur de Tony Defries. Ce dernier fait signer à David Bowie un contrat que celui-ci ne se donne pas la peine de lire et où le manager obtient un contrôle total et une possession sur les biens musicaux acquis par celui-ci, droits d’auteur et recettes des spectacles. Pour que son protégé ne se doute de rien, il le fait accompagner partout par un de ses sbires muni d’une valise pleine de billets et qui paye tout pour l’artiste, quel que soit le montant. Les sommes ainsi versées sont des avances à valoir. L’artiste a l’impression d’être riche mais ce n’est pas vraiment son argent à lui qui est dépensé, c’est de l’argent de poche que l’artiste devra rembourser. La magouille ne sera évidente que quand David Bowie voudra quitter Tony Defries, quelques années plus tard. En attendant, l’artiste mènera grand train : étages entiers de grands hôtels réservés pour lui, ses musiciens et sa suite interminable de proches, grands repas gastronomiques, grands vins, cocaïne par centaines de grammes, voitures, fringues et tous les caprices que peut inventer une star qui se croit riche et dont l’imagination n’a pas de limites.
Pour l’heure, le moral est au beau fixe : David Bowie et ses musiciens viennent de produire leur premier chef-d’œuvre et le monde entier est en passe de le savoir.
William H. Miller
Space Oddity :
Wild Eyed Boy From Freecloud : l’arrangement orchestral est de Tony Visconti
The Man Who sold The World :
Changes :
Life On Mars ? :
Queen Bitch :
La prochaine fois : l’avènement de Ziggy Stardust