Une fois n’est pas coutume, parlons nouvelles ! Genre désaimé, délaissé et parfois même méprisé, la nouvelle a pourtant eu son âge d’or au 19è siècle. C’est loin me rétorquerez-vous. Et pourtant. On ne peut qu’avoir immédiatement en tête des grands noms de la littérature tels que Zola, Borges, Poe, Balzac, Cortázar, Gauthier ou encore, plus proches de nous Nothomb, K. Dick et tant d’autres que j’oublie, lorsque l’on entend parler de nouvelles.
Heureusement pour nous, les écrivains et écrivaines ne l’ont pas laissée tomber, malgré son style rigoureux. Aurélia Lesbros est une de ces derniers : elle s’y est piquée, littéralement. Il faut dire qu’elle avait déjà de bonnes bases en la matière après un mémoire remarqué publié en 2006 : Le problème de l’identité dans la nouvelle fantastique.
Aujourd’hui, dans Accords et à cran, Aurélia Lesbros passe de l’autre côté du bureau pour endosser le rôle d’auteure. Et elle nous donne le ton dès la couverture : nouvelles noires. Ne vous attendez donc pas à entendre de somptueuses mélodies emportées et lyriques mais plutôt des marches macabres sombres et angoissantes. De celles qui vous provoquent le frisson et dont vous n’arrivez pas à vous défaire si facilement, tant elles vous collent à la peau. Car son point fort, c’est de vous embarquer immédiatement dans un univers à priori rien de plus normal, pour vite vous plonger dans les bassesses de l’âme humaine. De celles dont on ne veut rien savoir et qu’on préférerait ne jamais croiser.
Si vous voulez avoir votre compte de frayeurs, voire d’horreurs, vous l’aurez, soyez-en sûr. Mais attention, détrompez-vous si vous pensez ne lire que de l’affreux, du laid et du morbide. Loin de là ! Aurélia Lesbros a cette maîtrise parfaite du pince-sans-rire, du jeu de mots bien à propos qui vous fera malgré tout sourire au milieu de toute cette noirceur. Elle parvient aussi aisément à vous faire croire à l’amour et à ses jolies choses, mais c’est pour mieux vous envoyer sa vacherie à la face. Ne soyez pas dupe, méfiez-vous de tout. La folie n’est jamais bien loin (ou est-elle toujours là ?) dans ces quatorze nouvelles qui changeront le regard que vous portez sur votre voisine, votre boulanger, cette gentille amoureuse qui s’occupe de son ami handicapé ou encore sur cette jolie jeune femme qui attend au wagon-bar.
Vous pouvez bien sûr décider de ne suivre aucun de mes maigres conseils et, au contraire, de vous laisser porter par la lecture et ce qui fait l’essence même d’une nouvelle réussie : l’effet de surprise. La seule garantie que je peux vous donner, c’est que vous occuperez votre temps avec plaisir et délectation. Peut-être vous dois-je néanmoins un ultime avertissement : en sortirez-vous sonné… ou à cran ?