
La plupart des boomers se souviennent sans doute avec intérêt et émotion de la publication du « Nouveau désordre amoureux » concocté par deux des plus emblématiques penseurs de la fin des années 70. Si Alain FINKELKRAUT poursuit son cheminement angoissé au fil des soubresauts complexes et absurdes du monde contemporain, Pascal BRUCKNER tente de prendre de la hauteur avec ces contingences, comme en témoignait son dernier ouvrage consacré aux ravissements et aux exigences de la montagne. Il vient de franchir un nouveau palier par la publication d’un ouvrage consacré au déclinisme et au catastrophisme qui accompagnent les nombreuses crises de ce début de siècle. Il étrille ces réponses « archaïques » aux menaces du monde et se désole au constat du repli « sur les pénates » où chacun se recroqueville, dans un abri individuel « douillet et connecté (…) supplantant le globe ». Il dresse une archéologie de ce renoncement où « la scène universelle de l’homme contemporain c’est le sofa ou le canapé, face à un écran, seul rempart contre l’horreur du monde qui arrive filtré par les images ». Il stigmatise ce spectateur passif d’un univers où le seul mouvement est celui des flux d’écrans et de réseaux où le téléphone portable « nous offre une existence trépidante qu’il nous dispense d’éprouver ». Il dénonce l’inadaptation et le danger de ces mauvaises solutions apportées aux vraies questions qui minent les fragiles équilibres si chèrement élaborés au cours des dernières décennies. Cet essai décortique de manière convaincante les racines et les contours de cette tyrannie sédentaire conduisant à confondre « la vie à l’intérieur en lieu et place de la vie intérieure ».