Quatorze heures d’avion, avec une escale à Miami, donc. Pour la toute première fois, je mets les pieds sur le sol américain. De Miami à Guatemala, le trajet est d’un peu plus de deux heures. L’arrivée de l’avion, avec vues sur les volcans, par le hublot, est somptueuse. Nous finissons par trouver un taxi du pauvre, et celui-ci nous amène, avec nos bagages, nos peurs et nos fatigues, à la Posada Balen, petit hôtel rustique et accueillant. Du routard première catégorie.
La chambre est amusante, avec ses deux lits jumeaux surmontés de deux croix de bois sculptées, à la manière baroque. Un peu par jeu consenti de part et d’autre, nous dormons dix-huit heures d’affilée pour retrouver le rythme de l’heure locale. A sept heures, le petit déjeuner nous remet d’aplomb et le grand soleil est de la partie, de tôt matin.
A deux heures, nous avons pris une auto d’occasion, et nous nous engageons sur la « panaméricaine » vers le lac Atitlan. Nous atteignons Panajachel. Nous nous installons à l’hôtel Cacique Inn, « îlot de calme dans un jardin de rêve » Dès dix heures, à la nuit tombante, une feu de bois crépite dans la cheminée de notre chambre. Total est le dépaysement.
Les Indiens sont pauvres et les touristes riches. C’était un dimanche de 1993. Un jour d’Assomption à Solala. Toi et moi, nous n’oublierons jamais ces milliers de visages fervents, chantant et jouant de la musique, visages indiens fêtant la Reine Mère de Dieu, dans un même élan de foi simultanément païenne et chrétienne. Notre-Dame est en procession dans les rues boueuses d’un village bariolé. Nous assistons à la messe solennelle, et nous communions, l’hostie déposée par le prêtre, sur la langue, comme on faisait avant Vatican II.
A la sortie de la liturgie, celle que j’aime égare (ou se fait voler ?) une partie de sa petite fortune en dollars qu’elle avait, avec imprudence, mis seulement dans la poche de son blue-jean ! De plus, la clef de notre voiture louée, elle aussi, s’est envolée. Un instant décontenancés, nous retournons à Cacique Inn en auto-stop, et, de là, nous téléphonons à Avis qui nous rapportera une autre clef le lendemain matin vers onze heures…
Bien entendu, cet argent volé (ou perdu) nous contrarie vraiment mais me donne l’occasion de méditer une fois de plus sur la vacuité des choses et je souhaite au moins que les dollars sottement perdus servent à quelqu’Indien vraiment pauvre ! De toute façon, tout a un sens et je le sais.
De bon matin, il pleut intensément Nous avons confirmation de la récupération possible de notre clef de voiture. Et nous en profitons pour retourner à Panajachel où nous téléphonons en France. Puis nous achetons deux chapeaux tressés et comiques contre les rayons du soleil !
Déjeuner à l’hôtel, puis le préposé d’Avis est là, ponctuel, et nous remonte à Sololà. Nous récupérons la voiture stationnée de force depuis la veille. Par des pistes introuvables, nous nous rendons au petit village pauvre de Santa Catarina illuminé de soleil. Là y vivent des mayas secrets et souriants. Les femmes tissent des tissus aux couleurs contrastées, mais néanmoins harmonieuses, celle que j’aime achète un « huipil », sorte de veste local, et des écharpes bleues aux tons très variés qui font penser à des chasubles d’évêque.
Bien sûr, je vois bien que le peuple guatémaltèque, fier et tant de fois exploité par des conquistadors, vit encore dans une pureté qui touche à la misère. « Les Hommes de maïs » de Miguel-Angel Asturias sont loin d’avoir gagné leur indépendance véritable. On sent bien, en parcourant ce pays, que chaque victoire de la liberté, demeure fragile et précaire.
C’est aujourd’hui le plein soleil et le ciel bleu dès le matin. Nous prévoyons d’aller au village indien de Santiago, de l’autre côté du lac. Un bateau, en une heure de traversée, nous y amène.
Quel site ! Les volcans sont comme emmitouflés de cache-cols de nuages blancs, le reste rayonnant de turquoise et de reflets d’or. Calme est le lac, sans vent. Aux abords de Santiago, nous saluons des barques de pêcheurs qui nous rappellent quelque peu l’ambiance du lac Titicaca. Les rives sont vertes et brunes, et le lac, entièrement entouré de montagnes, dégage je ne sais quelle force venue de je ne sais où. Nous accostons au village. Là, des gosses et des femmes indiennes nous proposent les traditionnelles babioles destinées aux touristes. Tout est bon pour les « grignons »… Mais il y a aussi la place du village et son église si émouvante, dehors comme dedans. A l’intérieur, une plaque commémore l’assassinat d’un prêtre catholique en 1981. Ce petit monument fait pleurer celle que j’aime, à bon escient.
Pour le reste, le choeur est baroque, et pauvre cependant, et le long des murs blanchis à la chaux, des statues de saints et de saintes du village, de la chrétienté mais aussi des vieilles religions mayas, sont plantées, comme des sentinelles aux portes du paradis promis à ceux qui savent, ainsi que ce prêtre catholique et martyr, mourir pour leurs amis.
Retour vers Panajachel. La traversée du retour est moins sereine. Les nuages menaçants s’opposant au soleil, le bateau tangue un peu avant d’arriver à destination. A un enfant de Santiago, j’ai acheté un sifflet représentant un oiseau. En faisant cela, j’ai allumé un regard, j’aurais dû lui en acheter une dizaine !
Nous remontons vers Sololà puis continuons sur des pistes douteuses qui rejoignent la « panaméricaine » en principe « meilleure ». Nous subissons une crevaison puis nous remontons vers Queltzaltenango et l’atteignons vers une heure de l’après-midi. Nous pouvons enfin nous reposer un peu à la pension Bonifaz, hôtel kitch situé près du parc Entroamérica, en plein centre de la ville.
Nous nous engageons de manière plus téméraire sur la belle route sauvage dde Huehuetenango, en bordure de la Cordillière de Los Cuchumatanes, non loin du pays Quiché où une vraie guérilla eut lieu, comme en témoignent des inscriptions sur les rocs… Paysage rude et large, souvent sinueux et débridé, pistes asphaltées parfois à la va-vite, groupes d’indiens plus ou moins inquiétants sur le côté de la route. Nous craignons de tomber en panne sèche. Heureusement, une station ESSSO se présente à point, et nous atteignons Huehuetanango et baron notre véhicule à côté d’une belle place à l’Espagnol, typique, et dénichons un certain hôtel Zecaleu où nous déjeunons dans un décor décidément de « grandeur et de décadence ».
Revenus dieu sait comment jusqu’à la pension Bonifaz, nous comprenons qu’en effet « Monsieur le Président » le plus récent (deux mois à peine), compagnon de Rgorberta Menchu, va prononcer un discours sur la place centrale de Quetzaltenango ou la foule se presse, avec les enfants des écoles, en costumes stricts. Le Président Ramiro de Léon Carpio se présente à latribune dressée devant l’Hôtel de Ville et nous étonne par le ton sincère et passionné de ses propos politiques et révolutionnaires. Je ne peux m’empêcher de songer à la fin tragique de Salvador Allende. Mais je manque sans doute de foi en la capacité du peuple indien… Le président déjeune à la pension Bonifaz. Du coup, celle que j’aime non seulement le photographie de près, mais peut même lui serrer la main et le remercier de sa vigueur verbale contre la corruption et la misère au Guatemala.
Nous nous engageons de manière plus téméraire sur la belle route sauvage de Huehuetenango, en bordure de la Cordillière de Los Cuchumatanes, non loin du pays Quiché où une vraie guérilla eut lieu, comme en témoignent des inscriptions sur les rocs… Paysage rude et large, souvent sinueux et débridé, pistes asphaltées parfois à la va-vite, groupes d’Indiens plus ou moins inquiétants sur le côté de la route. Nous craignons de tomber en panne sèche. Heureusement, une station ESSO se présente à point, et nous atteignons Huehuetanango et guarons notre véhicule à côté d’une belle place à l’espagnole, typique, et dénichons un certain hôtel Zecaleu où nous déjeunons dans un décor décidément de « grandeur et de décadence ».
Revenus dieu sait comment jusqu’à la pension Bonifaz, nous comprenons qu’en effet « Monsieur le Président » le plus récent (deux mois à peine), compagnon de Rorberta Menchu, va prononcer un discours sur la place centrale de Quetzaltenango où la foule se presse, avec les enfants des écoles, en costumes stricts. Le Président Ramiro de Léon Carpio se présente à la tribune dressée devant l’Hôtel de Ville et nous étonne par le ton sincère et passionné de ses propos politiques et révolutionnaires. Je ne peux m’empêcher de songer à la fin tragique de Salvador Allende. Mais je manque sans doute de foi en la capacité du peuple indien…
Le président déjeune à la pension Bonifaz. Du coup, celle que j’aime non seulement le photographie de près, mais peut même lui serrer la main et le remercier de sa vigueur verbale contre la corruption et la misère au Guatemala. Quelques jours après , nous sommes allés à la messe du dimanche à Chichicastenango, à huit heures du matin. Du rite catholique romain ajouté aux rituels mayas… Hymnes à notre Père, le Soleil. Saints chrétiens, (dont Jésus parmi les autres) et Saints païens se sourient dans une débauches de cierges, de pétales de fleurs, et dans le balancement des encensoirs de copal… Comme je peux, je prie. Je communie même, en signe de respect et de partage avec les Indiens locaux, et le Guatemala tout entier. A dix heures du matin, le lendemain, nous quittons, toi et moi, Chichicastenango et nous nous engageons sur la route , vers Antigua. Je me demande encore comment notre voiture réussit à gravir certaines portions de piste., près de Chichi surtout. Mais tout se passe au mieux et nous sommes dans l’après-midi au Ramada-Hôtel, à Antigua, dans l’étonnement de découvrir une suite somptueuse qui sera notre logis durant une semaine.
Visite de l’église monumentale San Francisco, lieu de pèlerinage où l’on vient de toute l’Amérique pour prier San José de Bethancourt, béatifié par Jean-Paul II en 1980. Mur recouvert d’ex-voto de toutes sortes. Je ne peux m’empêcher de penser à Lourdes ou à Fatima.
Demain, nous rejoindrons Guatemala-Ciudad, en petit car, avant de nous envoler pour Tikal, notre étape en guise de bouquet. Tikal ancien berceau de la culture maya, certes, mais surtout ville mystérieuse. Retrouvée au milieu de la jungle, et qui fit délirer les archéologues et les romanciers ! Il sera temps, ensuite seulement, de songer à nouveau au Centre DIDRO, au Nouvel Athanor, à la quotidienneté des choses humaines. Au lever du jour, nous prenons un taxi nous emmenant à un minuscule aéroport, celui de Guatemala-Ciudad, pour monter dans un petit avion (Jet-Tikal) nous parachutant, en une heure, à Florès, dont nous partons en autocar pour Tikal, le vestige majeur de la civilisation Maya.
A Tikal, acropoles et temples questionnent les astres , pendant que la forêt tente en vain d’engloutir à nouveau le grand secret du lieu. Temple du Grand Jaguar, Place de la Grande Pyramide, ou du monde perdu, Place des sept temples, je ne vous oublierai pas de si tôt ! Les dieux des Mayas avaient tous des allures d’extra-terrestres, à vrai dire.