La question du temps présent, en domaine de poésie, est : existe-t-il un poète qui ne parade pas ? Le décès annoncé de Marie-Claire Bancquart, le 19 février 2019, à l’âge de 86 ans, prouve que oui, Marie Claire, en effet, ne paradait nullement de son vivant ! J’ai eu la chance de la croiser plusieurs fois et de dialoguer longuement avec elle, il y a environ deux ans, attablés à une terrasse de café, Place du Châtelet, et de lire attentivement ses deux recueils parus sous le label Le Castor Astral (Terre énergumène en 2009 et Violente Vie en 2012) sans oublier, chez Gallimard, le n° 541 de la série Poésie/Gallimard qu’elle m’a adressé quelques jours avant sa disparition. Je note avec joie que M-C Bancquart aimait à souligner : « Plus les choses sont simples, plus elles sont mystérieuses ». Et du côté de l’Académie Mallarmé, ou à la Brasserie Lipp, à Paris, cette déclaration doit sembler être très étrangère à la mentalité des « vénérables » membres de ladite Académie qui vient d’accueillir récemment en son sein de nouveaux bavards impénitents, quelques copieurs peu inspirés de surréalistes décadents, comme ce paon de Christophe Dauphin dont le moins que l’on puisse écrire est que la modestie n’est pas sa qualité première !
Je crois, réflexion faite, que toute forme de distinction poétique aujourd’hui est un leurre, un miroir aux alouettes, une décoration en chocolat. Quand on examine la liste des simples auteurs sélectionnés chaque année pour le Prix, on est sidéré de constater que les 30 membres de l’Académie, présidée par Clancier (non pas Feu Georges-Emmanuel mais son fils Sylvestre, expert en amuse-bouche savant pour apéritif éphémère) se comportent comme des spécialistes en enregistrement de faillite de la poésie contemporaine. Ils sélectionnent sans crainte des besogneux de mots creux comme Christian Poirier, Étienne Paulin, Fréderic Tison, et la liste pourrait être longue… Tout ce tapage pour fourmis, à vrai dire, n’a pas plus d’importance qu’une ondée sur le lac de la platitude érigée en valeur universelle.
De toute façon, le temps et la mort partageront implacablement, comme toujours, le bon grain de l’ivraie… Et même l’argent distribué généreusement n’a pu donner un pouce de talent supplémentaire à la regrettée Andrée Chedid, même si elle décrocha pour son palmarès ce Prix Goncourt de la poésie bourgeoise qui en fit jadis une « femme de lettres » encensée sans retenue, et une « sponsore » tous azimuts.
La poésie, en 2019, demeure un microcosme jaloux de ses prérogatives clandestines et de ses subventions douteuses. Elle se cache mal sur les réseaux sociaux, certes, mais c’est sans doute sur ce support-là qu’elle demeure la plus originale, la plus impertinente. Sur la toile de l’inattendu, j’écrivais jadis que la poésie de la « génération Facebook » n’en finissait pas de chercher le sens à donner au monde actuel. D’un blog à l’autre, d’un site à l’autre, je ne renie pas un mot. Même la « poéthique » du Printemps des poètes nous réserve encore d’heureuses surprises. Poezibao de Florence Trocmé, semble souvent inspiré et érudit, parfois un peu universitaire, mais je salue tout ce qui découvre et fait découvrir. Sur Internet, la richesse polymorphe de l’actuelle création s’impose. On peut célébrer alors la revanche du talent rebelle sur l’orgueil des salons, la mondanité, le dandysme, voire l’imposture commerciale et marécageuse.