Si l’on jugeait notre société à la manière dont elle traite les enfants, nous pourrions affirmer que notre société est en train de sombrer dans une certaine forme de barbarie.
En effet, on peut s’apercevoir que la société française actuelle est une société qui n’hésite pas à droguer et psychiatriser les enfants. Dans notre société de consommation, ces derniers sont avant tout des consommateurs et constituent un marché tentant pour des laboratoires pharmaceutiques peu scrupuleux et leurs complices. Les chiffres sont inquiétants. Le nombre d’enfants sous Ritaline, cette molécule proche de la cocaïne, a doublé en 5 ans. Alors que le plan de dépistage systématique des enfants dès 3 ans proposé par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, a été mis en échec par une large mobilisation populaire, notamment par le collectif Pas de Zéro de Conduite. Il semble que l’idée de mettre sous contrôle, d’étiqueter et de droguer légalement les enfants dès le plus jeune âge n’ait pas disparu.
L’association à l’origine de cette saisine de la HAS, s’appelle « les hyper-super » et est financée en partie par un laboratoire pharmaceutique, le laboratoire Shyre, qui produit un médicament, le Quasym, similaire à la Ritaline. C’est une méthode habituelle des laboratoires pharmaceutiques que d’utiliser des soi-disant associations de patients pour promouvoir d’abord des diagnostics puis des traitements médicamenteux hautement profitables.
L’hyperactivité comme pseudo-maladie lucrative
Ainsi, alors que les laboratoires restent dans l’ombre, on retrouve cette association en première ligne dans une large campagne de lobbying menée dans le but d’augmenter le nombre d’enfants sous traitement psychiatrique. Récemment, des députés ont reçu des courriers émanant des « hyper-supers » leur demandant d’agir pour rendre plus systématique le dépistage d’une pseudo-maladie comme l’hyperactivité et pour rendre plus facile l’accès aux drogues supposées la traiter, comme la Ritaline, le Concerta ou le Quasym. Les professionnels de l’enfance et les enseignants sont également la cible de cette campagne marketing et leurs revues professionnelles fourmillent d’articles faisant la promotion des diagnostics et des traitements des troubles mentaux chez les enfants.
C’est souvent là qu’interviennent les psychiatres travaillant en complicité avec les laboratoires. Ces psychiatres sont censés être des autorités médicales soucieuses de la santé des enfants. Mais la réalité est très souvent totalement différente. Ils sont en fait grassement payés par les laboratoires pour justifier et populariser des diagnostics et des traitements particulièrement lucratifs.
Les enfants agités : une bonne cible pour les labos
Les enfants constituent un marché trop juteux pour ne pas tenter de l’exploiter au maximum. Il faut d’abord convaincre qu’un certain comportement social est en fait une maladie, puis déterminer les critères permettant de poser le diagnostic et enfin convaincre les parents et les professionnels de l’enfance que cette maladie est réelle et que les enfants devraient être traités. C’est dans ces conditions que la drogue peut être prescrite et que le retour sur investissement peut être réalisé.
Le meilleur exemple de ce schéma machiavélique est celui de l’hyperactivité, appelé aussi Trouble Déficitaire de l’Attention avec Hyperactivité (TDAH). Soudainement, un type de comportement très courant chez les enfants est requalifié comme maladie par des « experts » psychiatres. Les critères diagnostics semblent ridicules et doivent être rappelés : « L’enfant bouge sans cesse, se tortille sur sa chaise, il lui est difficile de rester assis, il se laisse distraire très facilement, il a du mal à attendre son tour en groupe, il suit difficilement les consignes, il lui est difficile de jouer calmement, il semble ne pas écouter quand on lui parle, il égare souvent ses affaires et son matériel de travail, il prend souvent des risques sans en envisager les conséquences, il a du mal à maintenir son attention plus de quelques minutes sur une tâche, il passe d’une activité à l’autre sans les terminer, il répond de manière intempestive aux questions et souvent avant qu’elles ne soient entièrement posées, il parle de manière excessive, il interrompt souvent des conversations et s’en mêle de façon intempestive. »
Tout enfant vivant possède à un certain degré ces caractéristiques. Décider qui est hyperactif revient alors à décider qui est gênant, du point de vue des parents ou des enseignants, et qui ne l’est pas. La science n’a rien à voir là-dedans. D’ailleurs, beaucoup de psychiatres indépendants affirment que le diagnostic d’hyperactivité, ou TDAH, est une pure invention, une sorte d’arbitraire créé par des professeurs de psychiatrie pilotés par l’industrie pharmaceutique. D’après le psychiatre Patrick Landman, « le TDAH n’existe pas ». Il explique dans son récent livre, « Tous Hyperactifs », éditions Albin Michel, que le TDAH est une construction sociale née au même moment que la mise sur le marché de la molécule du méthylphénidate (molécule active dans la Ritaline). Il s’agit du regroupement de plusieurs symptômes, mais même regroupés, ils ne forment pas une maladie.
Pour François Gonon, neurobiologiste au CNRS à Bordeaux, « si on connaissait la biologie du TDAH, on aurait des marqueurs pour asseoir le diagnostic, soit avec un test génétique, soit avec un test d’imagerie cérébrale ». Or, aucun test de ce genre n’a été validé.
Dans les années 60, le psychiatre Leon Eisenberg prétendait avoir « découvert » le TDAH, affirmant qu’il était d’origine génétique. Il l’avait fait ajouter au DSM, le livre officiel regroupant tous les diagnostics psychiatriques. Sept mois avant sa mort, il a avoué dans une interview donnée au magazine allemand Der Spiegel que « le TDAH est l’exemple révélateur d’une maladie inventée ».
Des enfants drogués en toute impunité
Des enfants sont donc étiquetés puis généralement drogués sur la base d’une maladie inventée. Les drogues utilisées ont des effets secondaires parfois dramatiques. Le méthylphénidate, la molécule active dans la Ritaline, le Concerta et le Quasym, appartient à la classe médicamenteuse des amphétamines qui ont été retirées du marché en tant que coupe-faim pour risques d’hypertensions artérielles et d’atteintes valvulaires cardiaques. D’après la revue Prescrire, des pathologies valvulaires sont survenues sur des enfants sous méthylphénidate.
En plus des risques cardiaques et d’hypertension, il existe toute une série de risques liés à la prise de ces substances comme le ralentissement de la croissance, des maux de tête, des tics de toute sorte, une forte irritabilité, voire de l’agressivité, des sautes d’humeur, de l’insomnie, de l’anorexie ou des douleurs gastriques.
La psychiatrie détruit la société
Voilà donc le sort réservé aux enfants gênants en ce début de xxie siècle. De quoi s’interroger sur l’état de notre civilisation. La psychiatrie serait-elle devenue ou redevenue cet outil d’oppression dénoncé par certains anti-psychiatres, philosophes comme Foucault ou par Thomas Szasz qui la considérait comme une force destructrice pour la société ? Il est temps de relancer le débat, si débat il devait y avoir, et il est surtout temps de protéger les enfants contre cette nouvelle barbarie qui ferait se retourner dans leur tombe des Hugo, Zola ou Dickens.
Par Pierre Lefrate