Le corps est l’objet de plusieurs études en ethnologie et philosophie mais, il est devenu une obsession en ce début du XXIème siècle. On peut aborder la question du corps aujourd’hui de diverses manières. On peut dire que nous essayerons d’avoir une vue synthétique du corps dans tous ses états. En dehors des études universitaires, on connaît dans le genre cinématographique de l’art et essais le film «les corps impatients» de Xavier GIANNOLI et dont l’héroïne est Laura SMETT (le film décrit une situation paradoxale mettant en jeu l’évolution d’un corps: la découverte d’une maladie grave et la naissance d’un nouvel amour). Le groupe «Image» ainsi qu’Olivia RUIZ interprètent également des chansons ayant pour thème les sensations corporelles qui nous amènent à méditer sur la notion du corps. Dans cet article, nous allons essayer de retracer une brève histoire de l’évolution de la pensée conceptuelle du corps de l’antiquité à nos jours.
Le corps en philosophie
Dans l’histoire de la philosophie, l’être humain est différencié de l’animal par ses capacités de pensée et de sensations (dénommées logos en grec et traduit partiellement en français par la raison et l’âme). Ces notions ont été théorisées par le philosophe Aristote, dans l’antiquité. Depuis cette période, l’animal était considéré comme un bien meuble retranscrit dans le Code civil napoléonien. Ce n’est que depuis 2016 que les députés français ont abrogé cette loi.
C’est seulement à partir du XIXème siècle que l’idée du corps prend forme dans les amphithêatres avec les enseignements de NIETZSCHE. Il y dénonce aussi la tradition philosophique en proclamant la mort de Dieu qui est le gardien des âmes disparues («Si dieu est mort, tout est permis»). D’après ce philosophe, «L’homme doit faire de sa vie une œuvre d’art». Débarrassée de sa béquille spirituelle, l’humanité donne toute sa place à la notion corporelle. Nous rentrons alors dans une période nihiliste que nous n’avons toujours pas dépassée de nos jours.
Au XXème siècle, FOUCAULT s’intéresse alors au corps du supplicié dans «Surveiller et punir». Son étude philosophique et historique débute au Moyen Âge et se termine à la fin du XXème siècle. Les suppliciés ou les prisonniers sont des citoyens qui ne respectent pas les lois d’un État souverain. Il anticipe la fin des lieux d’enfermement remplacés par une société de contrôle qui serait justifiée également pour les personnes souffrant de pathologies graves ou en fin de
vie, permettant le maintien à domicile avec le désavantage d’une surveillance impossible 24 heures sur 24. On propose alors des bips ou des bracelets et pendentifs qui doivent être en mouvement et tenus non loin du téléphone portable ou d’un boîtier de contrôle. Ce concept tente finalement d’être mis en application de nos jours, car il est un filon d’emplois non délocalisables. Est-ce vraiment une avancée ou un totalitarisme qui ne dit pas son nom?
Le corps perçu par l’ethnologue
En ethnologie, c’est avec Marcel MAUSS et Claude LEVI-STRAUSS que l’on intègre les notions de marquage corporel (par exemple les scarifications, les tatouages, les percings, etc.) comme des rites de passage qui symbolisent les différentes étapes de la vie humaine. J’oserai dire qu’aujourd’hui nous devons faire de notre corps une œuvre d’art afin de laisser une trace non écrite mais picturale de notre passage sur cette terre. Le corps de tout un chacun est exposé avec facilité aux vues de tous par les réseaux sociaux et les téléréalités, une façon d’exister dans une société post-moderne instable. Nous pouvons alors reprendre la citation de TALLEYRAND (1754-1838): «Quand je me regarde, je me désole; quand je me compare, je me console». Serions-nous entrés, nous aussi, dans une régression assumée puisque cette citation a encore plus de sens aujourd’hui qu’à son époque? Les corps peuvent, maintenant, se montrer en toute liberté et l’esprit n’a plus guère de valeur. Nous entrons dans une inversion des modes de pensée puisqu’à présent c’est notre corps et son devenir qui donnent à réfléchir.
Les concepts tirés de la science-fiction, d’un homme augmenté (l’homme qui valait trois milliards, Robocops, etc.) ne paraissent plus tout à fait irréels. Les chercheurs en sciences humaines auront très vite à définir les limites éthiques à ne pas dépasser dans le transhumanisme si l’on veut que l’homme reste un «Dasein» (un être existant dans une période déterminée). Serons-nous un jour immortels ou resterons-nous des êtres ordinaires dotés d’une finitude?
Stéphane De Bona