Une année à la campagne, de Sue Hubbell, préface de J.M.G. Le Clézio
Éd. Gallimard, Collection Folio, mai 2019, 272 pages, 7,40€
La réédition récente de « Une année à la campagne » est sans doute la preuve que cet ouvrage, publié en 1988, entre en résonance avec des tendances actuelles. En effet, l’ouvrage est une histoire de rupture et de retour à la nature, celle du grand ras le bol de Sue Hubbell, biologiste de formation, ayant travaillé comme bibliothécaire. Elle a 38 ans et décide de se soustraire aux impératifs de la société de consommation. Avec son mari, elle part à la recherche d’un lieu où ils pourraient vivre loin des villes, comme l’a fait et recommandé le gourou de la vie sauvage et de la désobéissance civique, H.D. Thoreau. Ils finissent par porter leur choix sur une ferme des monts Ozark, au sud-est du Missouri, région montagneuse ressemblant aux Cévennes, évidemment en plus vaste ! Par tradition, on va dans les Ozarks pour oublier, panser ses plaies, rompre avec le passé, à l’instar des anciens de la guerre du Vietnam dont un bon nombre tenteront de s’y reconstruire. Un jour son mari déclare forfait et la quitte pour regagner la ville. Sue Hubbell décide de poursuivre, meurtrie et seule, son dialogue singulier avec la nature et ses occupants.
Elle qui n’avait de la nature qu’une connaissance théorique, découvre lentement l’immensité de l’univers qu’elle s’est choisi : sur ces quelques hectares de collines où, depuis la disparition des Indiens Osages, aucun être humain ne s’est vraiment arrêté, la vie a établi ses lois et ses règles, tissant un réseau de dépendances entre tous les habitants : les plantes, les insectes, les araignées, les serpents, les oiseaux, les mammifères, et même les parasites et les bactéries. L’entrée dans ce monde n’est pas simple et Sue Hubbel, petite-fille d’agriculteur, va approfondir les quelques connaissances dont elle dispose sur la culture et l’élevage pour créer une ferme d’abeilles de 20 ruches abritant plus de 200 000 abeilles.
« Une année à la campagne » est une puissante ode à la richesse et au respect de la nature. Les militants de la dé-consommation et de la préservation de la planète vont adorer. Mais d’autres, qui souffrent d’une vie familiale, sociale et professionnelle sans perspective, devraient également apprécier cet ouvrage qui décrit sans fard les bienfaits mais aussi les rigueurs et les exigences d’une vie simple, saine et authentique.
Patrick Boccard